Aujourd’hui, nous abordons une liberté fondamentale que nombre d’individus exaltent, mais dont peu saisissent véritablement la portée et les limites : la liberté d’expression sur les réseaux sociaux.
Un espace d’expression sans précédent dans l’histoire de l’humanité
Jamais auparavant, l’humanité n’avait disposé d’un tel arsenal de moyens pour faire entendre sa voix. En un seul clic, un message peut franchir les frontières, toucher des millions d’individus et influencer l’opinion publique en un temps record. Les réseaux sociaux ont ainsi démantelé les barrières traditionnelles, bouleversé les monopoles de la parole et offert à chaque citoyen une plateforme pour s’exprimer, dénoncer, s’indigner ou encore créer. En ce sens, ils ont conféré à chacun un pouvoir inédit : celui d’exister publiquement, de faire entendre sa voix dans l’arène démocratique.
Ce droit fondamental, reconnu et protégé par la Constitution de la République du Bénin à l’article 23, garantit la liberté d’opinion et d’expression sous toutes ses formes. Il constitue le socle essentiel de notre démocratie.
Mais toute liberté, aussi fondamentale soit-elle, n’est jamais absolue
Il est crucial de rappeler que la liberté d’expression doit s’exercer dans le respect des règles juridiques. En effet, l’exercice sans limite de cette liberté peut se transformer en chaos, en danger pour la cohésion sociale et la sécurité publique. Sur les réseaux sociaux, cette liberté se trouve souvent détournée, donnant lieu à des dérapages aux conséquences graves : injures virales, propagation de rumeurs infondées, incitations à la rébellion, atteintes à la vie privée, diffusion de fausses nouvelles alimentant la panique, ou encore publication de contenus compromettants et diffamatoires.
Ce qui devrait être un espace d’expression devient parfois un terrain propice à la dérive et à la déstabilisation sociale.
Le cadre juridique béninois : entre protection et prévention
Face à ces dérives, la question essentielle est : comment le droit béninois encadre-t-il cette liberté sans pour autant la réduire à néant ? La législation nationale a, à cet égard, apporté des réponses précises et concrètes. La loi n°2017-20 portant Code du numérique en République du Bénin établit un cadre réglementaire clair pour l’usage des réseaux sociaux.
Parmi les dispositions fondamentales, on peut citer :
– L’article 550, qui sanctionne la diffusion de fausses informations susceptibles de porter atteinte à la paix publique ou à la sécurité nationale ;
– L’article 554, qui interdit formellement l’incitation à la rébellion ou à la haine ;
– L’article 556, protégeant la vie privée contre toute publication abusive ou non autorisée ;
– L’article 560, qui réprime la cyberintimidation, le harcèlement en ligne, ainsi que les atteintes à la réputation.
Autrement dit, la liberté d’expression doit cesser là où commencent l’atteinte à la dignité humaine, la sécurité publique ou la paix sociale.
Restreindre pour mieux préserver : une nécessité démocratique
Restreindre certains usages de cette liberté ne signifie pas la supprimer, mais plutôt la canaliser et l’encadrer afin qu’elle reste un outil de progrès et de dialogue constructif. La limitation doit viser à protéger la communauté contre ses propres excès, notamment dans l’espace numérique où la parole peut devenir une arme redoutable. En effet, si la liberté d’expression constitue un droit fondamental, elle n’en demeure pas moins susceptible d’engendrer des effets dévastateurs : destruction de l’harmonie sociale, atteinte à la réputation, ou encore détérioration du climat de confiance.
Être un citoyen responsable aujourd’hui, c’est donc exercer cette liberté avec discernement, respect et vigilance. C’est faire preuve d’éthique dans la publication, la modération et le partage de contenus.
Une liberté éclairée, garante de la démocratie
Les réseaux sociaux constituent un miroir fidèle de notre société. Ils reflètent aussi bien ses aspirations que ses défaillances. La véritable citoyenneté numérique implique donc une conscience aiguisée de nos responsabilités. La liberté d’expression sur ces plateformes doit être exercée dans le cadre des principes de dignité, de respect mutuel et de légalité.
Soyons vigilants et responsables dans l’usage de ces outils modernes. La liberté, certes précieuse, doit toujours s’accompagner d’un sens aigu du devoir citoyen. La maîtrise de cette liberté, c’est préserver notre cohésion sociale, notre sécurité et la pérennité de notre démocratie.
Vive une citoyenneté numérique éclairée, respectueuse et responsable.
Mariano GANGNI-AHOSSOU