Dans toute démocratie digne de ce nom, deux arènes essentielles où s’exprime la souveraineté populaire se côtoient : la rue… et les urnes. La première, souvent bruyante, spontanée, porte la voix de l’émotion collective et de l’indignation immédiate. La seconde, plus silencieuse, méthodique, mais tout aussi déterminante, constitue le fondement même de la légitimité démocratique.

Il importe de s’interroger avec acuité : pourquoi attendre l’éruption de la rue pour faire valoir ses droits, alors que le pouvoir de décision réside dans le suffrage universel ? La réponse réside dans la reconnaissance que le citoyen possède — ou doit posséder — un droit fondamental : le vote. Cet acte, porteur d’une responsabilité civique, peut prévenir maintes crises sociales, apaiser les tensions, assurer une stabilité dans l’ordre constitutionnel.

  1. La rue : expression ou ultime recours ?

Les mouvements sociaux, manifestations, cortèges… autant de manifestations populaires témoignant de la vitalité de la société civile, de son besoin de se faire entendre. Ces mobilisations, souvent impulsives, éveillent parfois les consciences, réveillent les institutions, contraignent à l’écoute. Toutefois, il convient de souligner : la rue n’est pas un organe décisionnel, mais un vecteur d’alerte. Elle interpelle, mais ne gouverne pas. Trop fréquemment, ceux qui crient le plus fort dans la rue sont aussi ceux qui, par choix ou par ignorance, ont délaissé l’urne, reléguant leur rôle citoyen au seul acte d’indignation, au lieu de s’engager dans une démarche anticipative.

  1. Les urnes : l’exercice sacré du suffrage

Le vote constitue un acte fondateur de la démocratie. Un geste discret, mais porteur d’une portée considérable. Son histoire est celle d’une lutte acharnée, d’une conquête parfois coûteuse, souvent sanglante. Dans nos démocraties modernes, il est parfois utilisé à la légère, voire ignoré, comme un simple réflexe de confort ou d’intérêt immédiat. Or, gouverner ne se limite pas à distribuer des cadeaux ou à flatter les passions populaires. Voter n’est pas une transaction passagère, mais une déclaration de foi en un projet de société, une projection dans l’avenir. C’est un acte de conviction, une affirmation de principes durables.

  1. Convictions ou confusion : le vrai défi

Pourquoi voit-on tant de suffrages exprimés par défaut ou à l’encontre de propositions positives ? Parce que l’on ne consacre plus le temps nécessaire à l’analyse, à la lecture, à la compréhension des programmes. La superficialité, l’ignorance — souvent nourrie par la désinformation — deviennent des terrains fertiles pour la manipulation, le populisme, l’approximation. La démocratie exige que chaque citoyen prenne le temps de s’informer, de comparer, de réfléchir. La formule “Un jour pour voter, cinq ans pour vivre avec” doit nous rappeler que l’engagement électoral transcende l’immédiateté de l’émotion pour s’inscrire dans une vision à long terme.

  1. Un appel à la lucidité

La rue, en tant que catalyseur de l’alerte citoyenne, demeure précieuse. Elle doit cependant rester un signal d’alarme, non une source de décision. La véritable clé réside dans la tenue du scrutin, dans la maîtrise de ce pouvoir sacré qui nous donne la capacité de façonner notre avenir. La démocratie n’est pas une simple alternative à la colère, mais l’expression d’une conviction profonde, d’un principe intangible, d’un espoir partagé.

Ne sacrifions pas notre voix sur l’autel de promesses illusoires. Offrons-la plutôt à l’idéal, à la cause qui élève notre esprit. La rue peut crier, mais ce sont les urnes qui façonnent la société.

Mariano GANGNI-AHOSSOU

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